Dans ce deuxième article de la série sur les fondements de l’alimentation nutrivore, nous allons nous pencher sur le second principe : « Associer les aliments dans le but de couvrir tous les besoins de l’organisme ».
En sélectionnant les aliments à haute valeur nutritive, on assure à son organisme un apport généreux en nutriments. Pourtant, il est encore possible d’optimiser l’alimentation de façon efficace. C’est par la combinaison intelligente de ces aliments les uns avec les autres et en veillant à certaines proportions que l’on s’assure de couvrir tous les besoins de l’organisme, de maintenir les équilibres physiologiques importants et d’éviter certains excès préjudiciables.
Malgré sa complexité, le corps humain est souvent capable d’une grande souplesse. Il tolère un éventail assez large quant aux quantités de différents nutriments qu’il convient d’ingérer afin de garantir son bon fonctionnement. Il est également en mesure de compenser des carences en produisant lui-même une partie des molécules dont il a besoin à partir d’autres molécules.
Pourtant, certains nutriments sont dits « essentiels » car l’organisme est dans l’incapacité de les synthétiser lui-même. Ceux-ci doivent absolument être apporté par l’alimentation. D’autres sont « semi-essentiels » : notre corps est capable d’en fabriquer, mais difficilement, ou dans des quantités limitées, insuffisantes sur le long terme. Un apport alimentaire est donc également important pour ceux-ci.
Certains nutriments sont stockés efficacement et en grandes quantités dans l’organisme afin de pallier des carences temporaires tandis que, pour d’autres, nous ne disposons que de réserves très limitées et l’apport se doit donc d’être régulier. De l’autre côté du tableau, nous savons aussi que, malgré une marge de tolérance variable selon les cas, les déséquilibres trop marqués entraînent rapidement des conséquences pour la santé. Voici quelques exemples concrets de balances physiologiques importantes :
- Sodium – Potassium
- Oméga 3 -Oméga 6
- Vitamine A – Vitamine D3
- Glycine – Méthionine
- Vitamine E – Acides gras polyinsaturés
- Calcium – Vitamine K2 (+ Vitamines A et D3)
Etc.

« Balance » ne signifie pas que le rapport doit absolument être de 1 pour 1. Chacune d’entre-elles possède sa propre « plage de tolérance », des mécanismes qui lui sont propres et des effets différents en cas de déséquilibres trop important. Un déséquilibre important entre les oméga 3 et 6 aura par exemple, entre autres, une influence importante sur les mécanismes profonds régulant l’inflammation dans l’organisme. Un déséquilibre trop grand entre le sodium et le potassium influera négativement sur la répartition des liquides dans l’organisme. L’excès de sodium couplé à une carence, même légère, en potassium entrainera une hypertension artérielle, etc.
Il existe deux approches pour résoudre la problématique des équilibres physiologiques et des apports en nutriments, et ainsi constituer une alimentation « saine et équilibrée ».

La première consiste à chercher à tout calculer avec précision et à construire une diète stricte et précise sur base des apports théoriques conseillés et des apports, eux aussi théoriques, des nutriments contenus dans chaque aliment. C’est fastidieux, et c’est le moins que l’on puisse dire ! En plus, la marge d’erreur est forcément élevée : les apports idéaux, le taux d’absorption intestinal et les facteurs génétiques et épigénétiques varient tellement d’une personne à l’autre, et même d’un jour à l’autre, que cette approche n’atteindra jamais dans le réel les ambitions de précision auxquels elle prétend en théorie. J’ajoute que les teneurs en nutriments sont très variables dans les aliments naturels du même type. Même deux pommes d’un même arbre contiennent des taux différents de sucres et de vitamines selon différents facteurs, dont l’exposition au soleil. Bon courage pour les calculs ! Cette approche fait face à un autre problème majeur : nos connaissances actuelles en physiologie sont loin d’être complètes, elles ne le seront probablement jamais, et en ce sens, les objectifs théoriques chiffrés que l’on fixe sont probablement, dès le départ, plus ou moins éloignés de l’idéal réel. Ainsi, les grands calculs complexes sont bons pour épater la galerie et « faire sérieux » dans les logiciels de nutrition et les plans alimentaires pseudo-personnalisés (c’est-à-dire basés sur des algorithmes), mais en réalité, il me semble plus judicieux de laisser sa calculatrice dans le tiroir et d’utiliser la seconde approche.
La deuxième approche donc. Celle que je privilégie largement. Elle s’appuie évidemment sur les connaissances modernes en physiologie. Ensuite, l’empirisme, l’expérience, lui servent de phare pour naviguer dans les eaux encore brumeuses de l’alimentation idéale. Elle part du principe que les diètes traditionnelles des peuples du monde entier étaient forcément adaptées à l’être humain, ou, au minimum, étaient loin d’être complètement inappropriées. Par sélection naturelle sur des dizaines, voire des centaines de milliers d’années, en des temps où l’Homme était livré à une Nature impitoyable et vivait dans des conditions précaires et difficiles, où la mauvaise santé ne pardonnait pas, il est évident que ceux dont les coutumes alimentaires étaient aberrantes n’ont eu aucune chance de survie, et donc de traverser les Âges.
Il me semble donc sensé de prendre comme base de départ les diètes traditionnelles des peuples ayant triomphé de l’Histoire en arrivant jusqu’à nous. Evidemment, rien n’est jamais parfait, et l’esprit critique doit subsister. C’est pourquoi il convient, partant de cette base solide, d’utiliser la connaissance scientifique actuelle pour naviguer dans la meilleure direction possible afin de constituer une diète saine, adaptée à notre époque, à l’environnement local et à l’individu. Partant de là, on peut tirer les conclusions générales suivantes sur l’alimentation « occidentale moderne », fortement industrialisée :
- Elle est beaucoup trop riche en acides gras Oméga 6, tout en étant, parfois, insuffisante en Oméga 3.
- Elle manque cruellement de l’acide aminé glycine par rapport aux apports en méthionine qui, eux, sont restés élevés.
- Elle a tendance à être trop riche en Sodium, principalement à cause des sels « cachés » dans les produits industriels, c’est-à-dire utilisés pour d’autres propriétés que l’apport d’un goût salé et dont justement le goût n’est pas, ou très peu, perceptible, faussant ainsi nos mécanismes d’auto-régulation de l’apport de sel.
- Elle a en revanche tendance à être trop faible en Potassium. Dans le cas fréquent où l’apport en Sodium est trop élevé, cela en exacerbe les effets négatifs.
- Les apports en vitamines liposolubles (A-D-E-K) sont nettement inférieurs à ceux de nos ancêtres, tandis que l’apport en calcium est resté satisfaisant. Ceci engendre toute une série de conséquences néfastes, en lien ou non avec le calcium.
- L’apport en acides gras polyinsaturés a fortement augmenté par l’emploi massif d’huiles végétales, rendant le besoin en Vitamine E très difficile à satisfaire pour assurer une protection antioxydante suffisante dans les membranes cellulaires.
- Elle apporte trop peu de « bonnes bactéries » (probiotiques) tout en amenant trop d’aliments ayant tendance à renforcer les colonies de bactéries néfastes.

En partant de ces constats et en s’appuyant sur la base solide des diètes traditionnelles, on peut construire avec succès une alimentation à la fois saine et équilibrée, offrant des aspects modernes tout en gardant le lien avec celles de nos ancêtres et suffisamment flexible pour s’adapter à tous les environnements et individus.
Je pense que cette approche est beaucoup plus pragmatique et moins risquée que celle consistant à partir du néant en construisant des régimes totalement nouveaux, souvent ultra-restrictifs, qui n’ont jamais subit le jugement du Temps et qui sont basés essentiellement sur des hypothèses faisant rarement consensus dans l’état imparfait de nos connaissances scientifiques actuelles.
Diversifier est une autre règle simple à appliquer et qui permet d’améliorer la construction de sa diète. Le simple fait de suivre la saisonnalité permet déjà de varier de manière significative une partie des produits que l’on consomme sur une année. Ceci participe à limiter les risques de déséquilibres et de carences. On tâchera d’alterner régulièrement entre les morceaux et les espèces desquels proviennent les produits, animaux ou végétaux, que l’on consomme. Inclure à la fois des aliments crus et cuits est également une forme d’alternance à utiliser.

Vous avez maintenant une idée générale de la manière dont une alimentation de type « nutrivore » est construite et sur quoi elle se base. C’est ce type de nutrition que je propose au travers de mes prestations et que je détaille dans les cours tels que « Apprendre à se nourrir sainement, pourquoi et comment ? » auxquels vous pouvez-vous inscrire sur ce site.
Dans le dernier article sur l’alimentation nutrivore, je détaille le troisième principe fondamental de celle-ci : La préparation et la cuisine des aliments.
Troisième principe : préparer et cuisiner de manière optimale
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